La comptabilité éco-systémique, un exemple de R&D chez ONF International

Cartes du bilan carbone net de l’écosystème en 2000 et 2015 sur le Plateau des Guyanes (en TC/ha)

Depuis les années 2000, le concept de services écosystémiques a renforcé l’importance de la préservation des ressources naturelles et des unités paysagères dans les prises de décisions politiques. La Convention sur la diversité biologique (CDB) a ainsi adopté en 2010 un Plan stratégique pour la biodiversité sur la période 2011-2020, incluant les 20 « Objectifs d’Aichi ». Parmi ces derniers, l’objectif 2 engage les pays membres à intégrer les valeurs de la biodiversité dans leur comptabilité nationale, à travers une approche écosystémique.

Depuis 2018, ONF International met en œuvre des projets destinés à appuyer les pays dans la poursuite de cet objectif.

Notre recherche appliquée s’est concentrée sur l’application de la méthode de Comptabilité Ecosystémique du Capital Naturel (CECN)[1], dont les lignes directrices ont été publiées par la même CDB en 2014. Le terme, controversé car anthropocentrique, de Capital naturel doit être entendu comme tout stock ayant la capacité de générer un flux de biens et de services bénéficiant à l’humanité.

La CECN est une approche globale, applicable à tous les écosystèmes, qu’ils soient naturels ou modifiés par des activités anthropiques. Elle constitue un outil d’aide à la décision pour les pouvoirs publics, les parties prenantes en général, permettant une représentation cartographique de l’évolution dans le temps de la capacité des écosystèmes à fournir leurs services.

Elle repose sur une combinaison de comptes de la Biomasse / du Carbone, de l’Eau et des services fonctionnels de l’Infrastructure écosystémique (des terres et des rivières) incluant la biodiversité, chacun avec son unité de valeur physique. Chaque compte est composé du bilan quantitatif des stocks et d’indices de durabilité. Ces derniers intègrent le stress lié à l’utilisation des ressources et des diagnostics qualitatifs basés sur l’évaluation de la santé de l’écosystème.

Afin d’évaluer la valeur écologique des écosystèmes et comparer les systèmes de gestion entre eux, les indices des trois composantes sont combinés en un indice composite de valeur écologique appelé ECU (Ecosystem Capability Unit). Les mesures des stocks et les variations d’ECU peuvent être additionnées pour calculer la Capabilité Ecosystémique Totale (CET), c’est-à-dire sa capacité à fournir l’ensemble de ses services. Selon les objectifs poursuivis, la CET peut être générée à différents niveaux d’agrégation (par régions, pays, bassins versants…) permettant de comparer la tendance de dégradation des écosystèmes à une échelle spatio-temporelle.

ONFI a jusqu’à présent appliqué la méthode CECN à des échelles transnationales et nationales :

  • Sur le Plateau des Guyanes (Guyana, Suriname, Guyane française et l’Etat d’Amapá au Brésil) à travers le projet ECOSEO, « Observatoire des services écosystémiques du plateau des Guyanes », initiative de coopération régionale lancée en mars 2019, coordonnée par le WWF-France et co-financée par l’Union européenne et l’Office de l’eau de Guyane ;
  • Sur le Gabon, en coopération avec l’UICN, sur financement de cette dernière.

Lors de ces études, ONFI a produit l’ensemble des tables comptables et les cartes associées permettant d’illustrer l’évolution dans le temps de la capacité des écosystèmes à fournir divers services. Dans le cadre de ces projets, deux dates seulement ont été traitées, ce qui implique d’être vigilants aux conclusions que l’on peut tirer des évolutions.

Les cartes ci-dessous, résultats provisoires du projet ECOSEO, illustrent la Capabilité Ecosystémique Totale (CET) mesurée à l’échelle des bassins versants du Plateau des Guyanes pour les années 2000 et 2015, ainsi que l’évolution des changements de la CET sur la période 2000-2015.

Concernant la carte des changements 2000-2015 :

  • Les valeurs autour de 1, représentées en gris, indiquent une stabilité de la Capabilité Ecosystémique Totale (CET) entre 2000 et 2015 ;
  • Les valeurs inférieures à 1, représentées du rouge au jaune, indiquent une baisse plus ou moins forte de la CET, c’est-à-dire une dégradation de la capacité des écosystèmes à fournir leurs services ;
  • Les valeurs supérieures à 1, représentées du vert foncé au vert clair, indiquent une augmentation plus ou moins forte de la CET.

Ces résultats, encore provisoires mais déjà encourageants – et qui pourraient permettre de futures applications à une échelle plus fine d’analyse – feront l’objet d’analyses plus approfondies par la suite afin d’être publiés en amont du Congrès mondial de la Nature de UICN, à Marseille à l’automne 2021.  En effet, le projet ECOSEO, a pour ambition de démontrer l’importance du Capital Naturel de la région, notamment au travers de son évaluation par la méthode ENCA, élaborée par un universitaire français, Jean Louis Weber. Ce projet vise également à favoriser la coopération entre institutions étatiques, ONG et autres acteurs de la conservation, afin de mieux préserver les écosystèmes de la région et leurs services.

[1] https://www.cbd.int/doc/publications/cbd-ts-77-en.pdf